par Julie Argouarc’h, Alexis Eidelman, Anton Monsef (Insee)
En France, 9,7 millions de personnes possèdent, seules ou en commun, au moins deux logements, soit un tiers des propriétaires. Ces multipropriétaires sont globalement plus âgés et plus aisés que les monopropriétaires. Plus le nombre de biens détenus augmente, plus le niveau de vie des propriétaires est élevé. Six multipropriétaires sur dix possèdent deux logements, tandis que 3 % en détiennent dix ou plus.
Deux logements sur trois du parc privé sont ainsi détenus par au moins une personne multipropriétaire. Cette situation est plus fréquente dans les départements touristiques et dans les pôles des grandes agglomérations. En dehors de leur résidence principale, les multipropriétaires louent la majorité de leurs logements. Les biens loués se situent souvent à proximité de leur lieu de résidence, avec cependant des différences notables selon les territoires. Parmi les logements détenus par des particuliers, la moitié des biens loués appartiennent à au moins une personne propriétaire de cinq logements ou plus, alors que ces dernières ne représentent que 4 % des propriétaires.
Près de 10 millions de multipropriétaires
En 2022, en France hors Mayotte, 27,6 millions de personnes y résidant fiscalement (sources, méthodes) sont propriétaires, seules ou en commun avec une ou plusieurs autres personnes, de 29,2 millions de logements du parc privé (figure 1). 1,4 million ne sont pas propriétaires mais usufruitiers d’au moins un logement. Certains logements sont par ailleurs détenus par des propriétaires résidant à l’étranger.
Parmi les propriétaires résidant fiscalement en France hors Mayotte, 9,7 millions possèdent plusieurs logements. Ces multipropriétaires, qui représentent 35 % des propriétaires, peuvent détenir ces biens immobiliers en leur nom propre ou via une société civile immobilière (SCI) dont le ou les bénéficiaires sont des personnes physiques. Ces personnes peuvent parfois détenir une très faible part d’un bien, par exemple dans le cas d’une maison de famille.
Les multipropriétaires ont des profils très divers, aussi bien en nombre de biens possédés qu’en matière d’usages : par exemple, parmi les situations les plus fréquentes, 17 % d’entre eux détiennent uniquement deux résidences principales (majoritairement la leur et celle de leur usufruitier), 16 % détiennent uniquement leur résidence principale et un bien loué, 12 % uniquement leur résidence principale ainsi qu’une résidence secondaire. Par ailleurs, 22 % des multipropriétaires tirent des revenus d’au moins deux biens loués. Les modalités de détention sont également multiples : si 91 % des logements détenus par des multipropriétaires sont détenus en nom propre, 13 % des multipropriétaires détiennent au moins un bien via une SCI. De plus, trois multipropriétaires sur dix possèdent au moins un bien en nue-propriété, c’est-à-dire qu’ils possèdent le bien mais ne peuvent ni l’utiliser ni en tirer des revenus.
Des multipropriétaires plus âgés et plus aisés que les monopropriétaires
L’accession à la propriété se fait au fil du temps. Ainsi, la part de propriétaires est très faible en deçà de 25 ans (figure 2). À partir de 25 ans, les proportions de monopropriétaires et de multipropriétaires augmentent sensiblement. Entre 35 et 90 ans, la part de monopropriétaires demeure relativement stable, autour de 40 %. En revanche, celle des multipropriétaires augmente progressivement pour atteindre un pic autour de la soixantaine : trois personnes sur dix âgées de 55 à 65 ans sont multipropriétaires. Au-delà de 65 ans, la multipropriété diminue pour ne concerner plus qu’une personne de 90 ans ou plus sur dix. Par ailleurs, la part des non-propriétaires usufruitiers augmente progressivement à partir de 65 ans, pour atteindre plus du quart des personnes après 90 ans. Après avoir accumulé du patrimoine au cours de leur vie, les plus âgés tendent en effet à s’en séparer, par exemple pour faire des donations — de la pleine propriété ou seulement de la nue-propriété — à leurs descendants [André, et al., 2021] ou pour payer leurs dépenses liées à la perte d’autonomie [Cheloudko, et al., 2024]. Cette évolution selon l’âge intègre également des effets générationnels, liés par exemple au contexte économique de chaque période de la vie, à la hausse de l’âge moyen à l’entrée dans la vie active, de départ à la retraite ou auquel sont perçus les héritages, ou encore à l’évolution de la fiscalité liée au patrimoine.

Dans la mesure où il y a peu de propriétaires parmi les moins de 25 ans, les analyses qui suivent portent sur les personnes de 25 ans ou plus. Parmi ces dernières, 21 % sont multipropriétaires.
Le niveau de vie médian des multipropriétaires, qui prend en compte tous les revenus de leur ménage y compris les loyers perçus, est supérieur d’un quart à celui des monopropriétaires (30 700 euros contre 25 000 euros) et de moitié à celui des personnes non-propriétaires (19 900 euros) en France hors Guadeloupe, Guyane et Mayotte. Plus le nombre de biens détenus augmente, plus le niveau de vie est élevé. Ainsi, le niveau de vie médian des détenteurs de dix logements ou plus est supérieur de 43 % à celui des détenteurs de deux logements (respectivement 41 500 et 28 900 euros). Les personnes plus aisées ont en effet une capacité d’épargne plus élevée qu’elles peuvent mobiliser pour se constituer un patrimoine immobilier [Lamarche, Garbinti, 2014].
Davantage de multipropriétaires dans les zones touristiques de montagne
Les résidents des départements alpins allant de la Haute-Savoie aux Alpes-de-Haute-Provence et des départements ruraux du sud du Massif central, du Lot à l’Ardèche, sont plus souvent multipropriétaires que la moyenne : ils y représentent un quart des personnes âgées de 25 ans ou plus (figure 3). Leur part est également élevée à Paris, dans les Yvelines et en Corse-du-Sud. Hormis pour une partie de la région parisienne, la multipropriété augmente globalement selon un axe nord-sud en France métropolitaine. Ainsi, les départements du Nord, du Pas-de-Calais et de l’Aisne comptent une faible part de multipropriétaires, moins de 16 %. La multipropriété est la plus basse, de 12 à 13 %, dans les départements aux niveaux de vie parmi les plus faibles tels que la Seine-Saint-Denis et les DOM. Ces différences peuvent aussi en partie être liées à des structures par âge qui varient selon les départements, les plus âgés étant plus souvent propriétaires.

Les deux tiers des logements sont détenus par des multipropriétaires
Si près de six multipropriétaires sur dix détiennent deux biens (58 %), trois sur dix en détiennent 3 ou 4, un sur dix entre 5 et 9, et 3 % détiennent 10 logements ou plus. La moitié des multipropriétaires sont des femmes (49 %), mais elles ne sont plus que 40 % parmi les personnes détenant 10 logements ou plus. Alors que la part de multipropriétaires possédant des biens en nue-propriété dépend peu du nombre de logements possédés, le recours aux SCI est concentré : 5 % des propriétaires de deux logements en possèdent au moins un en SCI, quand ils sont 70 % parmi les propriétaires de 10 logements ou plus.
En 2022, 65 % des logements possédés par des particuliers sont détenus par au moins un multipropriétaire, soit 19,1 millions de logements. Un peu moins de la moitié de ces logements sont possédés par une seule personne (44 %). Les autres le sont par plusieurs personnes, un couple ou une fratrie par exemple, mais toutes ne sont pas nécessairement multipropriétaires : 15 % des logements détenus par au moins un multipropriétaire appartiennent également à au moins un monopropriétaire. Cette situation se présente par exemple lorsqu’un couple possède son logement et que l’un des conjoints détient également d’autres biens, par exemple son ancienne résidence principale avant sa mise en couple, ou une part d’un bien de famille. Près d’un quart des logements détenus par au moins un multipropriétaire le sont sous forme d’une SCI (9 %) ou en nue-propriété (14 %), par exemple dans le cadre de donations.
La multipropriété plus fréquente dans les zones touristiques et les grands centres urbains
Les logements détenus par des multipropriétaires se concentrent dans les départements ayant une forte proportion de résidences secondaires et dans certains territoires denses. Ainsi, Paris et des départements touristiques tels que les Hautes-Alpes, la Haute-Corse, la Corse-du-Sud et la Lozère se distinguent avec huit logements privés sur dix détenus par des multipropriétaires (figure 4). À l’inverse, dans les départements du nord de la France métropolitaine et en Guadeloupe, cette part est nettement plus faible : elle est la plus basse dans le Pas-de-Calais, l’Oise, le Val-d’Oise et l’Eure, soit moins de 57 % des logements. La région Île-de-France apparaît ainsi contrastée entre le département de Paris, présentant le plus fort taux de logements appartenant à au moins un multipropriétaire, et le Val-d’Oise avec un taux parmi les plus faibles.
Dans les aires d’attraction des villes, les logements sont plus souvent détenus par au moins un multipropriétaire dans les pôles (69 %), où les marchés locatifs sont plus développés, que dans leurs couronnes (61 %). Les pôles situés dans les lieux touristiques sont particulièrement concernés par la multipropriété. Dans certains territoires tournés vers les sports d’hiver, dont les pôles de Chamonix-Mont-Blanc, de Bourg-Saint-Maurice ou de Saint-Gervais-les-Bains, ainsi que sur le littoral dans les pôles de Bormes-les-Mimosas, de La Flotte (Île de Ré) ou d’Arcachon – La Teste-de-Buch, plus de 85 % des logements sont détenus par au moins un multipropriétaire.
Dans les pôles de certaines grandes aires d’attraction des villes, comme Montpellier, Toulouse, Poitiers ou encore Clermont-Ferrand, plus de trois logements privés sur quatre sont détenus par au moins un multipropriétaire. Le pôle de Paris, qui s’étend au-delà de la petite couronne, compte 68 % de logements détenus par au moins un multipropriétaire.
Hors résidence principale, six logements de multipropriétaires sur dix sont loués
L’usage des biens par leurs propriétaires dépend du nombre de logements possédés. Les logements qu’ils détiennent sont le plus souvent des résidences principales occupées par au moins un de ses propriétaires ou un usufruitier, mais ils peuvent également servir de résidence secondaire, être loués ou encore rester vacants.
Si les logements détenus par au moins un monopropriétaire sont dans leur très grande majorité (87 %) des résidences principales occupées par leur propriétaire, cette part est moitié moindre (43 %) pour les logements détenus par des multipropriétaires. Lorsque les biens des multipropriétaires ne sont pas occupés comme résidence principale par l’un des propriétaires ou un usufruitier, ils sont alors le plus souvent loués (57 % des logements). Les autres se partagent à parts presque égales entre résidences secondaires (23 %) et logements vacants (20 %). Parmi les 2,1 millions de logements vacants détenus par au moins un multipropriétaire, 55 % le sont depuis plus d’un an.
Les multipropriétaires habitent souvent à proximité des biens qu’ils louent
La détention des biens loués possédés par au moins un multipropriétaire est particulièrement concentrée : près de la moitié appartiennent à au moins un propriétaire possédant cinq logements ou plus, et 18 % sont détenus par au moins un propriétaire de 10 logements ou plus.
Les multipropriétaires habitent souvent à proximité des biens qu’ils mettent en location : les deux tiers de ces biens sont situés dans le département de résidence de leur détenteur. Les départements de Paris et de petite couronne se distinguent par une part plus faible de multipropriétaires résidant dans le même département du fait de leur taille. En considérant Paris et sa petite couronne comme une seule zone, cette part remonte à 60 % mais reste en dessous de la moyenne nationale. Le marché immobilier y est spécifique, très tendu et attire les investisseurs. La proximité géographique entre propriétaires et biens loués est, à l’inverse, bien plus fréquente dans les départements alsaciens, en Moselle, dans les Ardennes, en Haute-Corse et à la Réunion, avec plus de trois logements sur quatre détenus par un multipropriétaire résidant dans le même département.