850.000 passoires thermiques pourront revenir sur le marché locatif

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Le gouvernement a annoncé, ce mercredi, changer le coefficient énergie primaire de l’électricité dans le diagnostic de performance énergétique (DPE) de 2,3 à 1,9. Cette décision ferait sortir 850.000 logements du statut de passoires thermiques. Cependant, les experts de la rénovation énergétique et les associations de locataires dénoncent une manipulation politique qui ne correspond à aucune amélioration réelle du parc de logements.

C’est une grande victoire pour le secteur de l’immobilier. Alors que plusieurs propositions de loi visant à assouplir la réglementation et le calendrier en vigueur autour du diagnostic de performance énergétique avaient été retoquées à l’Assemblée nationale ou au Sénat, cette fois-ci, c’est le gouvernement qui passe en force.

Le Premier ministre François Bayrou a annoncé mercredi une modification du calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) des logements. Ces ajustements devraient être plus favorables aux chauffages électriques à partir de 2026. En effet, elles changent le savant calcul du coefficient de conversion de l’électricité. Cet indice sert à calculer la consommation réelle à partir des relevés et factures d’énergie. Ce coefficient passe ainsi de 2,3 actuellement à 1,9. Ce faisant, selon le gouvernement, ce ne sont pas moins de 850.000 habitations, sur les 5,8 millions de logements classés F ou G au DPE, qui sortiront de la catégorie de passoire thermique. Cependant, un spécialiste de la rénovation énergétique estime que ce sont plutôt 350.000 logements qui seraient réellement concernés par une sortie de seuil.

Mieux refléter la réalité du mix énergétique

Matignon affirme dans un communiqué que cette « évolution permettra de mieux refléter la réalité du mix énergétique français, largement décarboné grâce au nucléaire, et de corriger une inégalité de traitement pénalisant jusqu’ici les logements chauffés à l’électricité ». Et d’ajouter « Cette décision permettra par ailleurs de cibler plus efficacement les aides à la rénovation énergétique sur les logements chauffés aux énergies fossiles ».

L’initiative semble être accueillie positivement par le secteur de l’immobilier, comme Eric Allouche, directeur exécutif du réseau Era immobilier qui déclare que « l’évolution du mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE), annoncée pour le 1erjanvier 2026, constitue une avancée attendue, à la fois pour le marché immobilier et pour les particuliers. Cette réforme apporte davantage d’équité, en corrigeant les biais qui pénalisaient notamment les logements chauffés à l’électricité. »

 De son côté, Loïc Cantin président de la FNAIM, se félicite de ce choix: « C’est une mesure de justice énergétique et de cohérence écologique. Elle permet de corriger une distorsion technique qui ne tenait pas compte des réalités de notre mix électrique français, faiblement émetteur de gaz à effet de serre ».

Une décision qui ne plaît pas à tout le monde

Mais cette annonce fait grincer des dents tant du côté des associations représentatives des locataires que des spécialistes de la rénovation énergétique. « Cette décision se félicite de sortir 850.000 logements du statut de passoires thermiques, mais en réalité, elle ne correspond à aucune amélioration réelle des logements concernés », dénonce ainsi KRNO, une start-up qui utilise l’intelligence artificielle et l’analyse de données ouvertes pour vérifier la fiabilité des DPE. Pour Ruben Arnold, son dirigeant : « C’est un scandale, le gouvernement a de nouveau manipulé politiquement les chiffres du DPE et changé brutalement les règles sans tenir compte des réalités du terrain. En indiquant à tous les Français que leur étiquette énergétique dépend d’une décision politique et non d’une amélioration réelle de leurs consommations et émissions, le gouvernement affaiblit de manière perverse un dispositif qu’il dit vouloir protéger. Des millions de citoyens se retrouvent livrés à eux-mêmes face à une nième réforme mal pensée, mal préparée, et totalement arbitraire. »

« Ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on soigne la fièvre»

Pour l’association Coénove, la réduction du coefficient énergie primaire/énergie finale « reviendrait à déconnecter le DPE des flux physiques réels, à négliger des pertes aux conséquences bien tangibles (réchauffement des cours d’eau obligeant l’arrêt de certains réacteurs nucléaires, prélèvements d’eau…) et à accorder un avantage indu à des systèmes énergétiques peu performants. » Jean-Charles Colas-Roy, le président de Coénove va même plus loin : « En actant cette révision, le gouvernement prendrait la responsabilité du tripatouillage politique d’un outil scientifique pour sortir artificiellement des logements du statut de passoires énergétiques au détriment des plus vulnérables. C’est une décision techniquement contestable, socialement injuste et environnementalement contre-productive. Cela revient, par un tour de passe-passe réglementaire, à dissimuler la précarité énergétique sans action réelle. Il dénonce une « décision prise en catimini, au coeur de l’été » et alerte : « changer les règles du DPE ne rénove aucun logement, ne baisse aucune facture, n’améliore aucun confort. Ce n’est pas le coefficient Ep/Ef qu’il faut modifier, ce sont les logements qu’il faut rénover. Ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on soigne la fièvre. »

Marie-Caroline Carrère

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